Focus sur Emmaüs 44, et sur Le Relais.
Entretien avec Françoise Moinel,
présidente d’Emmaüs 44 – Nantes.
Emmaüs est un mouvement international solidaire, humaniste et éco-responsable, fondé par l’Abbé Pierre. Le fruit de l’activité des personnes accueillies est consacré en priorité à leur propre prise en charge et à la solidarité. Ainsi, le Mouvement Emmaüs promeut un modèle alternatif où le travail permet de se (re)construire tout en aidant les autres.
Les communautés d’Emmaüs vivent uniquement de dons, elles ne sont volontairement pas subventionnées, pour garder l’esprit de liberté insufflé dès le départ de cette grande aventure … « Être libre d’accueillir les personnes sur la durée, sans restriction de temps en fonction des besoins de chacun, est primordial à la réussite de la réinsertion», énonce Françoise Moinel, dès le début de notre entretien.
Depuis le 16 mars, la communauté d’Emmaüs 44 vit confinée. Comment cela se traduit il concrètement ?
Nous avons suivi les directives sanitaires édictées par Emmaüs France. La communauté est fermée au public, à la clientèle et aux bénévoles. Nos 40 compagnons sont strictement confinés, chacun a une chambre qui lui est propre. Les gestes sanitaires mis en place sont bien respectés. Chacun joue la règle de la prudence de bonne grâce ! Nous veillons à conserver une activité pour chacun de nos compagnons, dans l’enceinte fermée des locaux, toute précaution prise bien sûr … C’est essentiel à l’équilibre psychologique de tous les compagnons. 2 de nos 3 responsables sont sur le terrain, au côté des compagnons, pour assurer le cadre nécessaire. Mais malgré tout, certains domaines de notre activité sont impactés directement, comme l’aide à la personne, totalement à l’arrêt depuis le 16 mars. Emmaüs est organisé en 3 pôles : le logement, l’insertion et la communauté. Les conséquences du confinement sur chaque pôle sont bien différentes …
Quelles sont les conséquences financières sur la communauté, et quelles mesures solidaires se mettent en place ?
Bien sûr, l’arrêt de l’activité nous a coupés de toute rentrée financière. A Nantes, nous tenons malgré tout, parce que nous avions une petite trésorerie d’avance … Ça ne durera pas longtemps, mais pour l’instant on s’en sort. Notre région est en effet une région où les donateurs sont nombreux, comparée à d’autres régions de France. Emmaüs France a lancé un appel aux dons pour pallier les situations d’urgence. De notre côté, nous avons donné une partie de notre trésorerie au siège d’Emmaüs France, qui s’est occupé de redistribuer aux structures des régions qui souffrent le plus du confinement. Mais la solidarité, pour nous, ne s’arrête pas au national … Nos structures à l’étranger, pour certaines, et notamment au Brésil, sont en grande difficulté. Nous essayons de les aider le plus possible. Au niveau régional, nous avons aussi fourni en élastiques certains CHR, qui en manquaient cruellement pour la fabrication des masques. Nous disposions d’un peu de stock … Les solidarités s’organisent ! les Éditions M-Éditer, par exemple, ont lancé la parution d’un ouvrage de propositions philosophiques « l’abécédaire philosophique à l’usage des (dé)confiné·e·s », dont les recettes iront exclusivement à Emmaüs pendant un an.
Comment imaginez vous le déconfinement ?
Nous sommes en pleine organisation, après l’annonce du gouvernement des premières mesures de déconfinement. De nombreux problèmes sont encore à régler avant de rouvrir. Nous ouvrirons le site de Bouguenais à compter du 12 mai aux donateurs, et la salle de vente à compter du 22 mai. Notre priorité est avant tout de ne faire prendre aucun risque à nos compagnons, à notre clientèle, à nos intervenants, bénévoleset salariés… Nous savons que la période de réouverture engendrera une masse de dons plus importante que d’habitude. Comment décontaminer les objets à trier ? Nous réfléchissons à mettre en place des containers ouverts aux dons, qui resteraient 9 jours sans être utilisés sur le parking d’Emmaüs, pour permettre la décontamination. De même, il nous faudra aménager les horaires pour que les donateurs et les clients ne se croisent pas, créer des parcours au sein de notre espace ouvert au public, pour éviter les rencontres … Comme tout le monde, nous apprenons petit à petit à définir notre méthode, dans cette situation inédite. Nous statuerons dans quelques jours sur les modalités d’ouverture. C’est à ce moment-là que nous communiquerons par voie de presse et sur nos réseaux internes.

—————
Entretien avec Philippe Laforge,
LE RELAIS.
Le Relais est un réseau d’entreprises qui agit pour l’insertion de personnes en situation d’exclusion, par la création d’emplois durables. Membre d’Emmaüs France, des Ecossolies et de l’Union Régionale des SCOP (URSCOP), le Relais Atlantique emploie sur le département 110 personnes, dont la moitié est en contrat d’insertion.
Le Relais confiné
« Depuis le 14 mars au soir, toutes les boutiques sont fermées, la collecte et le tri sont à l’arrêt. Les salariés ont été mis en chômage partiel. Sur 35 chauffeurs habituellement, un seul continue à travailler pour les interventions d’urgence. Le Relais perd 100 % de son chiffre d’affaires, aux alentours de 820 000 € pour 2 mois … »
« La moitié des salariés du Relais est en contrat d’insertion. Le confinement est une épreuve pour eux … L’équipe encadrante appelle ses salariés chaque semaine, pour prendre des nouvelles, rester présents, et essayer de les aider dans des domaines importants, notamment pour les aider à remplir les papiers administratifs, comme le renouvellement des cartes de séjour. »
Réouverture des boutiques « Ding Fring »
« Le 12 mai, les magasins « Ding Fring » vont rouvrir. Mais Ding Fring ne correspond qu’à 35 % de l’activité du Relais … Les entreprises de recyclage et de réemploi sont à l’arrêt, le centre de collecte et de tri n’ouvrira pas avant -au mieux- fin mai. 900 salariés seront encore en chômage technique. Reste la question de l’international … Le Relais est aussi implanté en Afrique, en 3 endroits : tant que les frontières seront fermées, toute activité y est suspendue. »
Sortie de crise et message aux donateurs
« Nous avons fait une demande d’emprunts auprès des banques, et ceux-ci ont été accordés. Nous bénéficions aussi d’un bon soutien des collectivités, qui n’ont pas hésité à stocker pour nous une partie de nos collectes, dans la mesures de leurs moyens. Nous pouvons passer le mois de mai, mais la situation devient de plus en plus délicate, affirme Philippe La Forge, responsable du Relais 44. 250 tonnes de vêtements sont prêts à être collectés, mais nous n’avons pas les moyens de les trier ! Nous demandons à tous ceux qui souhaitent faire des dons de garder les sacs entreposés chez eux … En effet, tous les sacs qui seront déposés à côté des containers seront jetés, et le résultat serait à l’opposé de la démarche éco-responsable de réemploi de notre entreprise pas comme les autres. Les affiches que nous avions posées sur les containers pour informer les donateurs ont été arrachées. Soyons tous responsables et solidaires pour sortir de la crise sanitaire. »
