Billet d’humeur
Par Philippe Audubert / colistier Rezé Citoyenne
Il ne s’agit pas ici de remettre en cause le principe du confinement que nous connaissons aujourd’hui mais peut être de s’interroger sur les incidences et le contexte politique de ces mesures.
La période que nous vivons actuellement peut nous évoquer par certains aspects bon nombre de livres ou de films dits « d’anticipation » ou de dystopies qui évoquent des régimes instaurés et mis en place pour assurer une apparence de bonheur pour les populations. Que ce soit le meilleur des mondes (Aldous Huxley), un bonheur insoutenable (Ira Levin) ou 1984 (Georges Orwell) et bien d’autres encore, ces ouvrages décrivent un monde qui, par pas mal d’aspects, commence à raisonner avec ce que nous vivons aujourd’hui.
Les raisons de ces politiques sont toujours d’apparence très louables, mais au final, il s’agit toujours d’exercer un contrôle strict des populations pour le bien de tous.
Nous en sommes là aujourd’hui : En effet, le confinement nous impose une privation de mouvement, de liberté individuelle, pour notre sécurité sanitaire et personne ne vient contester cette situation, qui va dans le sens de notre santé et de notre survie à tous.
Mais, dans le même temps, nous assistons à des dérives voulues ou non, conscientes ou pas, qui consistent à priver les citoyens d’une quelconque participation aux décisions prises et à une réflexion citoyenne de la situation.
Aujourd’hui, les décisions sont unilatérales, prises par des instances qui ne sont pas toutes représentatives et, dans leur grande majorité, échappent à tout contrepouvoir qui permettrait d’assurer une adhésion aux mesures décidées.
Nous assistons à la disparition de tous les corps intermédiaires qui d’ordinaire permettent de jouer ce rôle de contrepouvoir et ces instances sont remplacées par des « conseillers » scientifiques qui deviennent de fait, les aides à la décision du gouvernement. Les partis politiques ne s’expriment plus, les syndicats ou les associations militantes sont absents de tous les « débats », de tous les plateaux de télévision et des médias « grand public » en général. Seuls les scientifiques de toutes obédiences ont droit de citer aujourd’hui.
Exit les représentations parlementaires classiques, et, même si on constate qu’il subsiste une apparence de fonctionnement des institutions, on sait très bien qu’elles n’ont plus de réel pouvoir face aux préconisations des milieux scientifiques. Hors, le spectacle qui nous est donné à voir des « spécialistes » qui n’ont de cesse de se contredire les uns après les autres, d’avoir des avis divergents qui nous paraissent tous plus légitimes les uns que les autres, portent un discours pour le moins inaudible pour les profanes que nous sommes.
Le pouvoir aujourd’hui se partage entre le gouvernement et le conseil scientifique et il y a quelques jours, à la radio, c’est le président du conseil scientifique qui annonçait les mesures qui doivent être prise dans les semaines à venir. On ne prend même plus la peine de passer par le politique pour prendre et annoncer les décisions qui vont impacter durablement notre vie pour les semaines à venir. On peut d’ailleurs se demander quelle est la légitimité de ces décisions quand d’autres scientifiques également reconnus dans leur profession ne sont pas totalement en phase avec les avis du conseil scientifique. Le pouvoir donné à certains n’a aucun moyen d’être mis en débat ailleurs qu’au sein même de ce conseil.
À l’échelon local certains élus prennent des mesures que l’on jugerait inacceptables dans une période dite normale : ici interdiction de circuler de 20h à 6h du matin, instauration de couvres feu divers et variés, là, une municipalité qui procède au démontage des blancs publics pour que les gens ne puissent pas s’y asseoir, ailleurs encore d’autres obligations ou interdiction diverses…
Ces décisions sont, bien entendu, prises dans une apparence d’intérêt général mais chacune d’entre elles grignote un peu plus les libertés individuelles.
L’ensemble des dispositions mises en place dans le moment que nous vivons, font l’objet d’une surveillance via un contrôle policier déjà bien présent mais que certains souhaiteraient être encore plus strict. Ce dispositif de contrôle lui aussi permet des dérives auxquelles nous assistons via les témoignages de celles ou ceux qui ont eu à subir des contrôles pour le moins excessifs de la part des forces de l’ordre.
Dans l’idée de la surveillance des populations, les régimes totalitaires à l’œuvre dans les ouvrages cités plus haut, ne se privent pas d’un contrôle permanent des populations par tous moyens et de la surveillance en temps réel de chacun, ceci en fonction des moyens techniques liés à la période à laquelle l’histoire se déroule.
Aujourd’hui nous y sommes également avec les discussions autour du « tracking » mais déjà aussi avec l’utilisation des drones, de la reconnaissance faciale via les caméras installées dans les villes et des applications qui ne manquent pas de se développer dans ces contextes.
Un régime qui prend des décisions sans contrepouvoir, qui rogne sur les libertés individuelles pour le bien commun et qui instaure une présence policière visible et active ressemble avec tous ces éléments à ce que pourrait être un régime autoritaire instauré dans « l’intérêt général ».
Il n’est pas question aujourd’hui de considérer que nous en sommes déjà là, mais il convient d’être attentif au fait que les dérives politiques peuvent surgir à tout moment, dans des situations particulières et ceci, malheureusement souvent avec l’assentiment des populations qui mettront toujours en avant la sécurité avant la liberté.
Philippe Audubert

